Encore une journée qui s'annonce mal. Comme tous les jours qui se sont écoulés depuis que je suis coincé ici. J'évite tout le monde, bien que ce ne soit pas difficile et je visite. D'ailleurs je commence à avoir faim et il n'y a pas le moindre domestique en vue ici. Je n'ai toujours pas réussi à sortir et tout ce que j'arrive à repérer ce sont les cachots... C'est bien ma veine... Comment je vais me sortir de ce pétrin ? Ça fait combien de temps que je suis là ? C'est un mauvais rêve ? Je vais me réveiller ? Et puis, qu'est-ce que je fais ici moi ? Si c'est un sale coup de Belle il va m'entendre. Enfin si je sors d'ici un jour et si je retrouve cet écervelé...

Tiens ! Je ne suis pas encore allé dans cette pièce ! J'entre. Bah tiens donc ! Ça tombe bien ce sont les cuisines ! Enfin je crois, parce que vu la tronche que ça tire... Je ne vais pas beaucoup dans les miennes, mais elles sont mieux équipées... Bon bah je vais pouvoir manger si je trouve un truc... J'observe les plaques de cuisons d'époque... Comment ça marche ? Je ne sais pas faire marcher celle de chez moi non plus remarquez... Bah je ne suis pas dans la merde... Si j'arrive à rentrer je demande à Belle, non pas à lui, à mon cuisinier de m'expliquer comment ça fonctionne tout ça... Bon alors... A manger... Sous le plan de travail là il y a un placard. Je l'ouvre. Des épices... Génial... Je ne vais pas aller loin avec ça... Bon et le placard là haut... Des condiments... OK... Bon... Euh... Il faut que je trouve un garde-manger... Genre... une pièce froide ou... Un truc du genre...

Je regarde un peu partout autour de moi. C'est vraiment mal foutu quand même... Comment mes domestiques font pour se repérer là-dedans ? Comment je vais faire ? Il faut que je mange sinon je vais mourir avant même d'avoir trouvé une sortie potentielle... Récapitulons : fenêtres équipé de barreaux, château entouré de douves, pas de pont-levis, portes verrouillées et je n'ai encore repéré aucun passage souterrain. Et le comble, c'est que je ne serais même pas me situer sur une carte. Je ne dois pas être loin de chez moi, en une nuit je n'ai pas pu faire des kilomètres et des kilomètres...

Bon... Tout ce que je vois ce sont des poêles pendues à ma hauteur et des ustensiles de cuisine... En revanche, les poêles sont nickel on se voit dedans. Bon... Un truc qui se mange... un truc qui se mange... Je soupire... Je ne suis pas sortie de l'auberge... Je finis par entendre un bruit. Je me retourne aux aguets le regard un peu sombre et les sourcils plissés, près à réagir. Je ne vois rien et essaye de repérer d'où vient le bruit. Voilà que j'entends des voix... D'ailleurs cette voix me dit quelque chose... On dirait la voix de Belle... Et merde ! Non seulement j'entends des voix, mais en plus c'est... J'interromps ma pensée et mon regard s'arrête sur une poêle... Ça ne vient pas de moi non... Belle me parle par casserole interposé... En effet, son visage se reflète dans une casserole... Ce qui est assez ridicule et qui m'extorqua un léger sourire moqueur en coin de lèvre.

Je prends alors un regard blasé et rancunier qui est habituel quand je le vois. Puis je réalise et approche vivement de cette casserole pour lui donner ma façon de penser. Mais pourtant, je me sens un peu mieux... Si au moins il avait l'amabilité de m'aider à faire la cuisine... Quoi que non je préfère même pas lui parler de ça...

"Belle ! Il va me falloir des explications ! Qu'est-ce que t'as encore fais !? Je suis où là ?!"

J'ai l'air énerve, enfin pas plus que d'habitude, on peut avoir des conversations calmes et adultes, mais en général c'est ça. Moi je m'énerve et lui il prend ses airs supérieurs avec ses leçons de morales à me mépriser, mais je suis sûr que je l'énerve autant qu'il m'énerve. C'est d'ailleurs un juste retour des choses, et pourtant je n'ai pas l'intention de le laisser partir, à croire que je suis maso... C'est ma fierté que de conserver mes prisonniers. Je pourrais m'en débarrasser et le tuer, mais quelque chose m'en empêche. Comme si, non seulement je ne voulais pas qu'il ne parte, mais qu'en plus je ne pouvais pas lui faire de mal... On a pour ainsi dire, une relation pour le moins étrange...

Je le dévisage, ça ne parait et je ne m'en rends pas vraiment compte, mais je suis content de le voir, même si j'appréhende un peu ce qu'il a à me dire. Et si c'était vraiment lui ? Qu'il s'était débarrassé de moi et qu'il avait récupéré mon château. Et s'il était entré dans mon bureau et qu'il avait découverts que j'écrivais, et s'il avait trouvé ma rose ? Des questions que je ne me posais pas, trop occupé à laisser place à mon attitude naturelle face à lui qui se veut désagréable ou pleine de reproches. Je ne lui ai jamais fait de compliments, il n'y a jamais rien qui va avec lui, il est juste... chiant... Mais je ne crois pas que j'aimerais que ça change...

« Définitivement, vous avez l'air aussi intelligent qu'une poule quand on vous fiche dans une cuisine... »murmura Belle d'une voix narquoise.

Il avait enfin réussi à voir Beast. Cela faisait plusieurs jours qu'il avait disparu. Au début, trop chamboulé par ses découvertes, et par la solitude, Belle avait attendu devant la porte. Tel un petit chien triste. Il s'était senti horriblement humilié. Horriblement triste. Sa vie venait de s'écrouler, et la seule personne qui avait des réponses était d'une, un homme qu'il détestait, et de deux, il l'avait abandonné. C'était comme une double trahison. Il était resté des heures prostré dans le fauteuil de l'entrée, pris dans un sentiment contradictoire : l'envie de fuir, et la sensation de devoir rester. S'il partait, où irait-il ? Dans les bras d'un père peut-être pas si idéal ? Dans les caresse immondes de ses frères ? Sous les quolibets de ses sœurs ? C'était horrible à dire, mais il était plus chez lui, ici, dans une prison qu'auprès de sa famille. Cette pensée le faisait pleurer chaque fois un peu plus. Puis l'abattement fuit place à la colère : Pourquoi ne lui avait-il rien dit ? Pourquoi tenait-il tant à passer pour le méchant ? Pourquoi ne lui avait-il pas dit ? Puis la curiosité la tempéra, quelle pouvait être cette rose étrange dans son bureau ? Etait-ce pour cela qu'il ne voulait pas qu'il entre dans son bureau ? Il y avait des choses étrange. Finalement, l'inquiétude finit par le dévorer. Et s'il ne revenait pas ? Qui serait là à nouveau pour lui ? Qui pourrait-il bien embêter ? Qui pourrait bien occuper ses journées ? La vie est tellement triste quand on est seul. Un être vous manque et d'un seul coup, tout est dépeuplé. Même si cet être est le pire des enfoirés. Il faisait partie de son quotidien au fond.

Alors, il avait réfléchi, hésité, et puis le miroir était apparu comme une solution. Et il l'avait vu. Des heures durant, il avait suivi ses mouvements, se sentant rassuré de le voir en vie et toujours aussi bougon. Il y allait avec entrain de ses petits commentaires. En un sens, il était heureux de le voir. Malgré ses larmes encore intermittente, son air faible et sa voix tremblotante. Mais il savait qu'il pouvait le retrouver. Il pouvait savoir la vérité.

Mais il bondit en entendant Beast s'adresser à lui. Il l'entendait ! Comment ? Oh si, sans doute un reflet de casserole, ou quelque chose du genre ! Hourra ! Ils allaient pouvoir avoir une petite discussion tous les deux. Il hausse un sourcil perplexe, et se sent d'un coup retrouver toutes ses forces pour l'engueuler.

« Pardon ?! Ce que MOI j'ai fait ? Qui est-ce qui est parti du jour au lendemain en me laissant seul sans aucune nouvelle ?! Vous vous fichez de moi ! J'ai rien fait hormis casser votre fichue théière de mauvais goût ! »cria-t-il avec hargne.

Oui, Belle s'énervait plus vite que d'habitude. Il ne pouvait pas rester calme, le prendre de haut aujourd'hui. Non. Il était au bord des larmes. A dire vrai, les larmes dévalaient déjà ses joues. Il était fragile. Il n'était plus le garçon capable de tout. Il était brisé. Par la captivité. Par l'abandon. Par la vérité.

« Je suis rentré dans votre bureau. Je vous cherchais. » Il marqua une pause. « Qu'est-ce que cela veut dire ? Ce livre... Sur moi ?... Et cette rose ? »

Il s'arrêta, essuyant ses yeux lassé. Sa voix était tremblante.

« Vous êtes un monstre... Pourquoi vous me faites ça ? »

Aux mots de Belle je suis alors à mi-chemin entre une forme d'assurance, il n'avait rien fait et une crainte supplémentaire qui s'ajoutait. Je l'ai abandonné ? Qu'est-ce qu'il raconte ? Qu'est-ce qui se passe ? Comment quelqu'un a-t-il pu faire irruption chez moi sans que je ne m'en rende compte ? Sans que PERSONNE ne s'en soit rendu compte. Quelle est cette sorcellerie ? Mon temps n'est PAS écoulé, ma rose n'est pas fanée... En parlant de rose... Voilà que Belle m'annonce qu'il est entré dans MON bureau. Mon cerveau et toutes mes facultés s'arrêtent un instant sous le choc de la révélation... Je vais le tuer... Sa forêt il ne le verra plus jamais...

"COMMENT !" je hurles. "Tu. Es. Entré. Dans MON bureau !"

Je suis entre la colère, la crainte et la tristesse. Un mélange assez bizarre, mais je deviens alors froid. Et je regarde Belle, Belle qui est alors complètement changé, un Belle en larme est devant moi, enfin non c'est une casserole mais... Enfin non Belle n'est pas une casserole, mais peu importe. J'essaye de me remémorer ses paroles... La Rose... MA rose... Pendant un instant je reste un peu sur la défensive, un j'ai un regard attristé à cette pensée une fraction de seconde. Ce livre... Quel livre ? Je n'ai jam-... Je reste alors sur la stupeur me remémorant mes derniers écrits, me retourne brutalement et me laisse glisser le long sur placard, le dos contre celui-ci... Et merde... J'ai écrit un livre sur Belle... A quoi est-ce que je pensais ? Je suis foutu... C'est alors qu'il me traite de monstre. Oui. Je suis un monstre. Et alors ? Je me relève et le dévisage d'un regard que j'essaye de garder froid, bien que j'aurais préféré l'avoir en face et lui en coller une pour qu'il retrouve ses esprits.

"Sache mon cher que, de un, je ne suis pas parti ! Je te signale que je ne suis pas ici par plaisir et que j'aimerais bien rentrer CHEZ MOI dans MON château, avec MES affaires, MES livres, MA plume, MA rose et ma putain de malédiction et mon prisonnier ! Alors, tâche de toujours être là à mon retour cas j'ai bien l'intention de rentrer et que si je découvre que tu es dans le coup tu vas entendre ma façon de penser ! Quand aux livres et à la rose ça ne te regarde pas, j'espère ne pas avoir à te reprendre à fouiller dans mes affaires ! Je t'interdis de remettre le pied dans mon bureau !"

Sans m'en rendre compte je viens de déblatérer un discourt extrêmement bizarre, mais maintenant j'ai faim et j'aimerais bien arriver à me servir de ses trucs bizarres... Au point où j'en suis et vu la tronche qu'il tire, j'ai assez d'éléments pour me risquer à lui demander...

"Et maintenant si tu veux bien, j'aimerais..." Je marque une hésitation, ma fierté en prendra un coup. "Si tu me promets de ne pas t'enfuir et si tu m'aides à me préparer à manger je t'autoriserais, à condition que je sois présent et que tu n'ailles pas trop loin, à... à aller chasser... Cela te conviendrait-il ?"

Mon regard c'est adoucit, mais ne présente aucune forme de compassion, en plus je change de sujet c'est parfait... On verra cette histoire à mon retour, qui j'espère sera rapide et entier. J'ai une malédiction à briser et surtout un livre à finir ! En plus j'ai passé l'heure du thé... Et mon lit me manque, qu'est-ce qu'on dort mal ici. J'espère jusqu'ici va arrêter de chialer parce que je vais me sentir mal, déjà que je me sens bizarre là d'un coup... Ça doit être la faim... Ou le manque de sommeil ou encore le coup j'ai dû recevoir sur la tête, à moins que ce ne soit des somnifère ou encore un sortilège. En tout cas ce n'est pas une malédiction, j'en ai déjà prise une sur la tête il y a plus de 9 ans... D'ailleurs je commence un peu à m'inquiéter... C'est bien le moment... C'est d'ailleurs ni l'endroit, ni le moment, mais en plus c'est un peu tard...

Belle sursauta au hurlement de Beast. Même à distance, ses colères l’apeuraient. Ses pleurs ne s'arrêtèrent pas pour autant. Les reproches s'ajoutaient aux doutes, il regrettait déjà de ne pas avoir fui. Il voulait arrêter de fixer le reflet, il voulait arrêter de se sentir seul sans lui. Ce type n'était qu'un psychopathe narcissique et intolérant. Pourquoi ne trouvait-il pas la force de se lever, de pousser la grande porte et sortir finalement de ce maudit manoir. Mais il restait là, assis sur ce fauteuil, les orteils crispés sur le velours. Il baisse la tête. Il n'aurait jamais du aller dans ce fichu bureau. Ce n'était pas une bonne idée. Il ne savait pas quoi répondre. Qu'il avait aussi le droit de savoir ? Qu'il n'était pas son prisonnier ? Que s'il l'avait voulu, il aurait pu déjà fuir ? Qu'il voulait juste savoir la vérité ?

« Je ne comptais pas y retourner. Je ne vous y ai pas trouvé. J'essayais juste de comprendre pourquoi vous n'étiez plus là. J'aurai mieux fait de tout simplement partir. Ne pas m'en faire pour vous. »murmura-t-il d'une voix éteinte.

Ses doigts s'appuyèrent sur ses yeux, essuyant ses larmes. Il voulait tout simplement arrêter de lutter. Tout abandonner, ne plus chercher à comprendre. Laisser les autres jouer avec son destin. N'était-ce pas ce qu'ils faisaient depuis le début ? Alors pourquoi continuer à lutter ? Pourquoi chercher le bonheur ? Il releva mollement la tête à sa question. Toujours à négocier.

« Laissez tomber. Je vais vous aider. Pas besoin de m'acheter comme cela. Je suis votre prisonnier après tout, il faut bien que je justifie d'être nourri, blanchi et logé par votre grâce. »rétorqua-t-il d'un ton sarcastique et triste à la fois.

Il observa ce que la cuisine semblait offrir comme possibilités. Il semblait y avoir un garde-manger en bois juste derrière lui. Il y trouverait sans doute de quoi préparer un petit déjeuner simple.

« Regarder dans le placard de bois derrière vous, il doit contenir des œufs, du pain, et avec un peu de chance une bouteille de lait et du beurre. Ensuite, dans un placard devant vous, vous devriez trouver un pot de sucre, un saladier, et les couverts doivent être par là. Avec ça, vous pourrez survivre. Je vous dirai quoi faire quand vous aurez sorti tout ça. J'espère que vous aimez le pain perdu. »déclara-t-il simplement.

Il n'avait pas besoin de penser, tout était logique. N'importe quelle cuisine possédait ces choses là. Il ne pouvait arrêter de penser à ce qu'il avait découvert. Il pleurait juste silencieusement. Il releva la tête, repoussant ses cheveux défaits de son visage, ses yeux verts étaient rougis et gonflés, mais sa beauté n'en était que plus touchante, plus fragile.

« Plutôt que la chasse. Pourriez vous m'accorder la vérité ? » Il marqua une pause. « Dites moi juste, si ce que j'ai lu, dans votre livre... Cela s'est réellement passé comme cela ? »

Il eut un sanglot. Bon sang. Il s'en voulait d'être si faible. Il s'en voulait de ne pas réussir à oublier le passé. Il s'en voulait de voir à présent tout ce qui n'avait jamais été dans sa famille. Non, tout n'était pas normal...

« Vous devez mélanger trois œufs, la moitié de la bouteille de lait, et deux cuillères de sucre dans le saladier, et vous devez mélanger le tout jusqu'à ce que cela soit homogène. »murmura le prisonnier avec pédagogie malgré sa lassitude.

Il marqua une pause.

« Vous m'autoriseriez à sortir de votre manoir ? Pour vous retrouver ? »demanda-t-il avec une petite lueur d'espoir dans sa voix.

Après les mots de Belle j'ai un moment de... de... de solitude, mais à la fois un sentiment bizarre. S'inquiéter pour moi... C'est la meilleure... Depuis quand, quelqu'un, et un prisonnier, et surtout BELLE, s'inquièterait pour moi ? D'ailleurs je ne vois pas l'intérêt de s'inquiéter pour le monstre que je suis. Je tente de récupérer mes esprits quand il me donne la liste des ingrédients en essayant de suivre et d'un coup je suis perdu...

"Attends attends attends ! Moins vite veux-tu ! Laisse moi le temps de penser !"

Je commence à chercher des trucs dans les placards, il pleure toujours... C'est chiant, je ne sais pas quoi faire moi. Qu'est-ce qu'il faut dire pour qu'il s'arrête ? Quand il me demande d'oublier la chasse. Au cas où il n'aurait pas compris je faisais ça par pure bont-... hein ? Je délire complètement où j'ai fait ça pour être gentil ? Je ne peux pas être gentil je suis un monstre et il l'a lui-même d'ailleurs ! Et puis je lui aurais expliqué moi ! Enfin quand je serais rentré... enfin s'il ne veut pas chasser ça m'arrange, je pourrais rester à mon bureau comme ça. En plus je ne craindrais pas qu'il me fausse compagnie... Déjà qu'à sa place je me serais fait la malle, j'aurais pris la poudre d'escampette, j'aurais filé à l'anglais, je ne me serais même pas cherché ! Où alors il doit vraiment me craindre... Bon... du lait... Voilà ! Je sais quand même reconnaitre des ingrédients simples c'est un bon début ! Je finis alors par lui adresser la parole.

"Écoutes, Belle, je te dirais ça quand je serais rentré alors tu vas bien sagement m'attendre, si tu n'es pas là à mon retour tu pourras oublier mes explications." Je marque une pause en voyant son regard attristé je finis par répondre. "Et je ne sais plus ce que j'ai marqué dans ce livre, à vrai dire le fait que tu y sois mentionné est parfaitement intentionnel."

Au moins avec ça je suis sûr qu'il ne va pas se barrer, ce qui est un bon début, je n'avais pas vraiment envie de me retrouver tout seul. Surtout qu'il me doit pas mal de services à thé... Et des assiettes. Sans compter l'argenterie et les verres en cristal. D'autant que tous mes services étaient en porcelaine et valait une fortune... Je reprends alors ma quête d'ingrédients. Une fois tout sorti je me retourne vers ma "casserole" et attends des instructions. Comme indiqué par mon... prisonnier à distance, même si là pour le coup c'est moi qui suis prisonnier... je mélange les ingrédients désignés avec application, mais maladresse. Puis, vient une ultime question. Je m'arrête brusquement et le dévisage surpris par tous les aspects de la question. Après 5 minutes d'interrogation intérieure je finis par répondre.

"Mais enfin ! Alors je... Pourquoi tu veux me retrouver ? Et surtout pourquoi tu me demandes ? Tu crois vraiment que je suis en position de t'empêcher de partir là ? Je sais ni où je suis ni comment je vais sortir d'ici ! Il n'y a pas la moindre issue, ou du moins je n'en ai pas trouvé, et il n'y a personne pour te surveiller, la seule chose qui te retient de partir ce sont les réponses à tes questions ! Alors oui c'est une raison suffisante pour que je ne t'en dise pas plus et si ça te fait plaisir de me chercher va y ! Je ne te savais pas si pressé... D'ailleurs j'aimerais sortir assez rapidement alors si tu viens me chercher ne traine pas, j'ai une rose qui m'attend."

La seule explication que j'ai trouvé c'est qu'il me cherche pour que je lui réponde rapidement, sinon je ne vois vraiment pas. Quand je parle de rose je parle de malédiction, mais inconsciemment peut-être un peu de lui aussi... J'ai quand même un petit espoir qu'il vienne me chercher moi plutôt que mes questions, mais un espoir vraiment infime que je ne suis pas conscient d'avoir. Je pense que j'en ai rien à faire mais au fond c'est assez faux... Il me manque cet écervelé et je suis content de le voir... En revanche, je me pose une question... Pourquoi est-ce que j'ai accepté que cet idiot vienne me chercher ?

Belle observa le trouble qu'inspirait la recherche d'ingrédients à Beast. Même un joueur de trombone aurait été plus rapide et plus vif, tout en jouant une symphonie composée par un psychopathe ! C'était donc très amusant à voir. Belle n'aurait pas été dans l'état dans lequel il était, il aurait sans doute ri aux éclats, mais il se contenta juste d'un léger sourire. Il se sentait vide. Tellement vide.

« Pas besoin de penser, il suffit d'attraper les ingrédients... Même un simplet peut faire cela... »répondit-il blasé à sa remarque.

Cuisiner, ce n'est pas penser. Au contraire, pour Belle, c'était un moyen de ne plus penser. D'oublier. Mais pourquoi cuisinerait-il ici ? Il n'y avait plus personne. Il n'avait pas faim. Cuisiner pour jeter ne l'enchantait pas. Mais, il se disait que parti comme cela l'était, s'il ne montrait pas comment faire à Beast, lui expliquait serait plus difficile qu'élaborer une stratégie pendant une guerre d'importance. Il se leva donc du fauteuil et se dirigea vers les cuisines du manoir. Le sol était froid sous ses pieds nus, il frissonnait. Son haut de coton était trop fin, son pantalon trop ample pour le réchauffer, son cœur trop glacé pour compenser tout cela. Les feux étaient éteints dans les cheminées. Cela lui ferait du travail, de l'occupation. Les domestiques avaient-ils tous disparus ? Ou l'absence de leur maître avait encouragé la désertion ? Il ne savait pas bien... Il entra dans la cuisine d'un pas lent et traînant.

Il soupira à nouveau aux paroles de Beast. L'attendre sagement pour savoir de quoi il en retournait ? Se fichait-il de lui ? Le prenait-il pour un imbécile ? C'était proprement insultant d'être traité ainsi. Cet homme le croyait-il parfaitement à sa disposition ? Pensait-il qu'il pouvait faire avec lui ce qu'on ordonne à un pantin ? Pensait-il vraiment tirer les ficelles de sa vie ? Eli était venu de son plein grés, et non par obligation. Beast ne devrait pas l'oublier. Il savait qu'il pouvait partir à chaque seconde, il pouvait réduire cette prison à néant. N'arrivait-il pas à survivre plusieurs jours sans rien ? Et il pensait qu'il pouvait le retenir contre son grès ? Il pouvait partir quand il le voulait ! Encore fallait-il le vouloir assez fort.

Belle sortit en quelques secondes les ingrédients nécessaires à la préparation de bons petits pains perdus. Le silence qui s'était instauré lui pesait. Beast éludait toutes les questions qui importait. Belle posa le miroir face à lui, et mélangea ses ingrédients avec habileté et rapidité. Et l'homme répondit enfin. Ce qui fit détourner la tête à Belle. Il attrapa nerveusement ses cheveux les les noua entre eux. Ces questions, ces remarques le mettaient mal à l'aise. Il répond avec détachement, l'air faussement blasé.

« Pourquoi croyez vous que j'aurais envie de vous retrouver ? Pas pour vos beaux yeux. Vous me devez des réponses. Je suis impatient de les avoir voilà tout. Et le demander n'est fait que par pure politesse. »

Il marqua une pause.

« Mais vous venez aussi de me révéler qu'aucune sorte de magie ne m'empêche de partir. Je sais à présent que je n'aurai rien risqué en quittant ce maudit manoir. Vous croyiez sincèrement que je restais par plaisir ? Que j'apprécie de devoir subir votre égocentrisme et votre sale caractère ? »

Il attrapa une poêle qu'il posa bruyamment sur le feu. Il était énervé. Par ces questions. Par ses propres réponses. Il se mentait. Il lui mentait. Il faisait du mal. Il se faisait du mal. A croire qu'il ne savait que serrer les dents et souffrir.

« Alors, je vais venir vous chercher. Même si vous m'en pensez incapable ! Seulement, il faudra que vous y mettiez un peu du votre, car malheureusement, je ne suis pas devint et sans indice, je ne vous retrouverez pas ! »dit-il avec un claquement de langue agacé. « Et faites ce que je fais si vous voulez manger quelque chose ! »

Il jeta un morceau de beurre dans le plat chaud, ce qui émit un grésillement léger, l'odeur de beurre chaud, se rependit dans la cuisine. Il découpa le pain avec rapidité, une rapidité dangereuse. Il savait manier le couteau avec précision, connaissait son tranchant. Et le planta ensuite énervé dans la planche. Et lança le pain dans le récipient contenant le liquide précédemment préparé.

« Je viendrai vous chercher. Parce que cet endroit est trop triste quand il est vide. Il ne vous ressemble que trop. »murmura-t-il en attrapant les tranches imbibées, les déposant sur la fonte chaude.

Ne pas penser, ne pas penser. Facile a dire. Pour lui la fée du logis qui sait tout faire. Moi je ne sais rien faire je suis inutile. Il m'énerve. Je le regarde avec son air blasé. Il a l'air perdu. Il me fait de la peine. Je ne sais pas quoi faire. D'un air détaché je finis par lui dire :

"Si je te donne des explications, tu partiras n'est-ce pas ?" Je marque une pause. "Tu serais plus heureux comme ça."

J'ai alors un air un peu attristé, tout en essayant de rester dans le vague, je suis un peu pensif. Qu'est-ce que je devrais faire ? En disant cela je sais que je viens de le perdre. Mais après tout je ne peux rien faire. Je ne peux le retenir. Je n'ai pas besoin de lui... Mais c'est mon prisonnier... Je croise les bras et prend un aire détaché fermant les yeux presque avec un côté supérieur.

"De toute façon tu ne m'ai pas vraiment nécessaire..." je dis ça dans un soupire et je sens mon cœur s'accélérer. Pourquoi je dis ça ? "Néanmoins tu me dois de la vaisselle..."

Je l'observe cuisiner en répétant ses mouvements, il fait ça avec aisance, comme si c'était naturel pour lui... Il m'énerve, mais je garde un air calme et froid. Comme un mur de pierre qui cache quelque chose. La rose... qu'à t-il fait de ma rose ?

"Qu'as tu fais de la rose, Belle ?"

Mon ton était froid, mais pas sec, ni glacial, pas méchant non plus. J'espère vraiment qu'il n'y a pas touché et qu'il n'a jamais eu à faire à une malédiction. Je serai fichu sinon. Je ne veux pas qu'il s'en aille, je ne veux pas non plus qu'il lui arrive quoi que ce soit avant mon retour, en fait je ne veux pas le perdre, c'est MON prisonnier, il est MA possession et pour l'instant rien ne changera ça... Bien que techniquement il est plus libre que moi...

"Tu serais donc resté uniquement pour avoir des réponses ? Tu pourrais partir, rentrer chez toi... Ou Ailleurs. Partir loin du château et de jamais me revoir, tu trouverais tes réponses ailleurs. Alors pourquoi ? Tu sais que rien ne protège le manoir, mais ai-je vraiment l'air d'un magicien ? Et pour ta gouverne je ne te retiens pas pour ton sale caractère !"

De toute façon à présent je sais qu'il ne viendra pas me chercher. Dès l'instant où il obtiendra ses réponses je ne le reverrais surement plus jamais. Il va disparaître de ma vie encore plus vite qu'il n'y ai rentré. Je sens un léger pincement au cœur en pensant que la première chose que je ferais en rentrant serait certainement de bruler les pages de ce livre et de condamner mon bureau et surtout ne jamais y retourner. Je sais aussi que je vais devenir de plus en plus désagréable, colérique, renfrogné et que d'ici quelques mois je n'aurais plus qu'à jeter cette rose. Tout ça pour quelques mots... Pourtant il est encore temps pour moi de changer d'avis, après tout je ne lui ai encore rien dis...

Belle eut un frisson à la question de Beast. Partirait-il en sachant la vérité ? Voulait-il cela ? Il n'en savait rien. Il était trop perdu. Trop seul. Il se sentait trop mal pour envisager de quitter définitivement ce qu'en un sens, il assimilait à un chez soi. Après tous ces mois, il s'était habitué à ces murs lugubres, à cette maison triste. Il voulait la faire revivre. Il voulait continuer à agacer Beast. En fait, il se demandait s'il n'avait pas vécu les meilleurs moments de sa vie entre ces murs. Même aux cachots, il avait toujours été bien traité. Au fond, hormis l'enfermement, il ne pouvait rien reprocher à son geôlier.

« Je ne sais pas. Peut-être. »répondit-il d'une voix hésitante. « Tout dépendra de ce que vous me dites... »

Il retourna les morceau de pain dans la poêle, pour qu'ils ne brûlent pas, qu'il soit juste saisi comme il faut. Et puis aussi pour ne plus penser. Pour focaliser son esprit sur la cuisine. Ne plus penser. Juste sentir le grésillement du beurre brûlant. Pour ne pas se sentir blessé par les mots de l'homme. Pour ne pas sentir les larmes monter à ses yeux à nouveau. Pour repousser ses émotions et croire que cela ne le touche pas. Pourquoi serait-il touché d'apprendre qu'un sociopathe ne l'apprécie pas et a nullement besoin de lui ? Pourquoi serait-il vexé de n'être résumé qu'à de la vaisselle cassée ?

Belle releva la tête à la mention de la rose. Pourquoi était-il si obsédé par cette rose ? Ce n'était qu'une fleur fanée... A moins qu'elle ait une importance autre, symbolique. Tout cela intriguait beaucoup Belle.

« La rose ? Je l'ai laissé là où elle était. Pourquoi ? Elle a une importance vitale ? Si c'est le cas, je vais peut-être aller la détruire alors... A moins que vous me fournissiez mes réponses. »déclara-t-il d'un ton détaché.

Ça, c'était pour la vaisselle et sa non nécessité ! Il voulait frapper où ça faisait mal, il serait servi ! Il n'appréciait pas de dire cela, mais il ne se laisserait pas marcher sur les pieds une fois de plus. D'ailleurs, il sentait que son calme ne supporterait plus grand chose. Il finirait par faire mal. Sans le vouloir. Sans le penser vraiment.

« Et alors, qu'est-ce que cela peut vous faire ? Peut-être que je pourrais rester ici, au moins, je vous emmerde en restant ici. Ça vous arrangerait bien de me voir partir ! Avouez le ! Et ce n'est pas parce que vous n'êtes pas magicien que ce lieu ne l'est pas ! Vous auriez très pu vous payer les services d'un magicien ! »

Il fit une trêve dans sa tirade pour retirer les pains du feu, pour qu'ils ne brûlent pas. Ce geste le rendit plus serein.

« Et puis, je crois qu'à présent, je n'ai plus d'endroit où aller. N'est-ce pas ? Ma famille n'existe plus ? Ils ne veulent plus de moi ? »demanda-t-il d'une voix plus faible au propriétaire du manoir.

Les pains perdus étaient fumants dans une assiette. Il n'avait pas envie d'en manger un seul. Il avait mal au ventre, une boule énorme était née dans estomac. Il avait la nausée. Il voulait savoir.

Chacune des réponses de Belle me laissaient ressentir une drôle d'impression dans ma poitrine. Il partirait. Je m'en doutais... Je ne le retiendrais pas. Je ne l'imite pas quand il retourne les pains et à la place je réussis à me bruler l'index. Je pousse un léger gémissement de douleur agacer et porte mon doigt à mes lèvres quelques instants avant de reprendre après qu'il ne parle de ma rose.

"Cette rose n'est pas encore fanée, il lui reste encore quelques mois. Et je ne peux que t'assurer que si tu la détruis et que tu restes ici tu le regretteras amèrement. Et son utilité ne te regarde pas, en fait il ne vaut mieux pas que tu ne le saches."

Le voir partir ? Le voir partir ? Non, non, non, non et non ! Je ne veux PAS qu'il s'en aille, cette fois-ci je suis formel, c'est décidé il ne partira pas. Et puis les magiciens ce sont tous les mêmes ! J'ai quelques mauvais souvenirs avec la magie et aucun magicien ne voudrait m'offrir ses services dans ma condition.

"Mon pauvre Belle, si tu savais. Aucun magicien n'aiderais quelqu'un de maudit de la sorte, peut importe la somme mise en jeu. Et puis, je ne supporte pas les magiciens, presque autant que les sorcières, je les exècre au plus haut point."

Ses dernières paroles me font de la peine, je me sens et pour la première fois de ma vie, triste pour quelqu'un. Finalement on est un peu pareil. Je n'ai pas de famille non plus, mais au moins j'ai un chez-moi. Je retourne mes pains-perdus qui commençaient à prendre une couleur marron foncé et à sentir un peu fort et je prends un air un peu dépité... Au moins ils ne sont pas encore cramés...

"Tu veux des réponses je te les donne. Mais j'aimerais que tu sois là à mon retour, j'en serais ravi."

Je marque une pause, je me tiens droit et ai un visage des plus calme, toujours froid, mes deux bras sont tendus, les mains appuyées sur le plan de travail. Je passe une main dans mes longs cheveux noirs pour les ramener en arrière et fixe alors Belle avec mes yeux violets.

"Saches que ton père a fait irruption chez moi pour une raison qui m'échappe encore. La première chose qu'il a faite a été de me subtiliser un de mes précieux ouvrages. Quand je suis arrivé, j'étais fou de rage et il s'est mis à me supplier de l'épargner contre la vie son fils, toi. Alors, oui ton père t'a abandonné et non je n'ai pas l'intention de te tuer, en revanche, saches que je pense que ton père est un rustre sans coeur certainement autant un monstre que moi-même."

Je marque une nouvelle pause, observant Belle. Je relâche la pression d'un soupire, ça y est, je lui ai tout dit, il va vouloir partir. Je vais me retrouver tout seul chez moi, si tenté que je ne rentre chez moi un jour. Pour revenir sur mes derniers propos, oui je suis un monstre, oui je suis ignoble, mais je ne suis pas stupide au point de ne pas me rendre compte et de m'offusquer que vendre son fils pour sa vie qui n'est même pas en jeu, c'est infâme.

"Néanmoins, je n'ai personnellement nullement l'intention de te mettre à la porte, sinon je n'aurais jamais accepté son offre, d'autant que je ne l'ai jamais menacé de mort ou de quoi que ce soit... Alors, le choix ne revient qu'à toi étant donné les circonstances."

Je ferme les yeux, calme, toujours immobile et inexpressif. J'essaye de garder mon calme, heureusement que je joue très bien le rôle du mur de glace, parce que je commence à me sentir triste et que j'en suis réduit à garder les yeux clos pour être certain que cela ne paraisse pas. Je viens de perdre mon prisonnier et la seule personne avec qui je me sois senti bien depuis la mort de mes parents.

"Tu as tes réponses à présent, j'espère qu'elles te satisfont. Que décides-tu à présent, Belle ?"

Je reporte mon regard et mon attention sur mes pains-perdus et, à l'odeur et à la couleur, je décide de les enlever de la flamme... Ils ne sont pas encore cramés, mais la cuisson laisse un peu à désirer... Je suis sûr que sans l'odeur, rien qu'à la couleur et à la consistance de la fumée qui s'en échappe Belle doit bien s'en rendre compte. Enfin, sauf s'il a les yeux trop embrumés ou qu'il daigne relever la tête et me regarder plutôt que de fixer inlassablement sa poêle...

Visiblement mes paroles ont très fortement blessés Belle. Je lui ai énoncé les faits tels qu'ils étaient, c'est comme ça. Mais cette révélation semble lui avoir brisé le cœur. Il semble perdu, je n'ai jamais lu autant d'émotions de peine et de douleur chez quelqu'un et une intense solitude semble s'emparer de lui. Qu'est-ce que je ferais s'il était avec moi ? Qu'est-ce que je pourrais faire ? J'aimerais savoir si je le reverrais. Il est si faible, si frêle, si désemparé quand je le regarde dans la poêle.

Que ne fut pas mon soulagement quand il m'annonça qu'il viendrait me chercher, qu'il se sentait presque chez lui dans mon château, alors j'ai encore au fond de moi cette lueur d'espoir de ne plus être seul. On verrait son sort ensemble... Je pense que je pourrais consentir à le laisser seulement s'il me promet de rentrer chaque soir, sinon, je me sentirais certainement obligé de l'enfermer de nouveau. Mais je ne veux pas en arriver là. Pas une nouvelle fois, pas si je sais qu'il restera avec moi.

Ce type me rendra fou, je m’adoucis de jour en jour et je deviens faible, je perds ma crédibilité et ma fermeté, je devrais être plus autoritaire et plus effrayant, j'ai l'impression de me transformer en gentil lapereau qui se fait berner par un chat. Après tout, de nous deux, j'ai beau être le geôlier je n'ai pas autant l'étoffe d'un chasseur que lui.

Mourir de faim ? M'empoisonner ? Non mais il plaisante ! Enfin... il n'a peut-être pas tord... En fait cela m'arrangerait bien qu'il aie son miroir sur lui chaque midi...

"Calme-toi un peu... On en parlera à mon retour, mais avant sachant que je ne vais pas m'empoisonner. Tu veux de mes nouvelles ? Soit, j'vais bien réussir à trouver un bout de miroir dans ce château, comme ça si ça ne va pas t'auras qu'à me demander, j'essaierais de l'avoir sur moi."

Si ça ne va pas... si ça ne va pas... non mais écoutez-moi ! Je fais psychologue moi maintenant ! Qu'est-ce que je disais ! Je deviens faible... Dans un soupire sur le dégout que je m'inspire, j'attrape avec dédain une de mes "oeuvre" et l'observe avec perplexité avant d'en prendre une bouchée et j'affiche alors un drôle de tête... J'écris fort heureusement mieux que je ne cuisine... Je me retourne, de nouveau, vers Belle essayant d'avoir un minimum de crédibilité.

"Maintenant tu me sèches ces larmes, tu fermes mon bureau et tu viens me chercher !"

Sur ce je reprends une autre bouchée de mon met qui est ce qui peut s'appeler un minimum consommable... Je refais une moue. Finalement ça manque de sucre... Sucre étant un mot que je bougonne alors de manière quasiment inaudible en versant du sucre en poudre sur mon toast.

"Et ce serait fort aimable à toi de m'aider à faire la cuisine à chaque repas si tu ne veux pas que je ne meure de faim. Et tu devrais en faire autant, je ne veux pas qu'un squelette sur pattes me ramène chez moi... Je n'aurais pas que ça à faire que de te porter sur mon dos pour hypoglycémie, tu m'as bien compris ?"

Je reprends un ton ferme, à mi-chemin entre l'ordre et l'inquiétude sincère pour sa santé. Bien sûr j'ai effectivement besoin de lui, mais cela me permettrait de ne pas manger seul et de voir qu'il va bien et surtout qu'il mange, ce qu'il n'avait apparemment pas l'intention de faire quelques minutes auparavant.

Le corps frêle tenait debout. Difficilement. Mais sa volonté revenait. Il tiendrait. Il voulait tenir. Il n'abandonnerait pas si facilement. C'était pour cela qu'il se forçait pour manger. Alors qu'au fond, il n'en avait pas le moins du monde envie. Pourtant, ses pains perdus devaient être bien meilleurs que ceux de son geôlier. Il aurait aimé pouvoir les donner à Beast, ne pas cuisiner juste pour lui. Car la cuisine, après tout n'est qu'une question de partage, et non un plaisir égoïste. Il se souvenait des heures où il cuisinait avec sa mère, alors que les domestiques prenaient leur jour de congé. C'était les jours les plus heureux. Il revoyait son frère aîné le féliciter pour sa cuisine. Il aurait tellement voulu le revoir. Mais depuis son départ pour l'armé, il n'avait plus eu de nouvelles... Il essuya doucement ses joues, suivant l'injonction de Beast, sans même songer à se rebeller.

« Merci...Mais je ne vous dérangerai pas... Vous aurez mieux à faire que m'écouter me lamenter... »répondit-il avec un léger sourire.

Il eut même un léger rire en voyant l'homme croquer dans son pain brûlé. Il n'avait décidément aucun talent en cuisine, car cette recette était des plus simples. Il repassa sa mains sur ses joues, tamponnant ses yeux, effaçant définitivement les dernières larmes de sa peau et de son regard. Malgré son air fatigué, il semblait regagner du poil de la bête. Il retrouvait un peu d'énergie, d'envie, de joie. Il attrapa un tissu pour emballer ses pains perdus. Il attrapa une besace qu'il commença à remplir de quelques victuailles. Il fallait bien qu'il subsiste lors de sa recherche. Puis, il saisit le miroir, et sortit de la cuisine.

« Ne vous inquiétez pas, j'arrive. Je ne vous abandonnerai pas. »murmura-t-il doucement au miroir.

Il se dirigea rapidement vers les différentes pièces, fermant d'abord le bureau à double tour, après avoir trouvé la clef et l'avoir mis dans la poche de sa veste.

« Ne vous en faites pas, je serais là à chaque repas. Et je ferai attention à moi. Je vous le promets. »dit-il doucement.

Il alla ensuite dans sa chambre, récupérant quelques vêtements, et surtout son arc et ses flèches. Son manteau sur les épaules, une écharpe pour le protéger du froid, il était prêt à affronter tous les défis. Il se dirigea vers les écuries, le miroir toujours à la main.

« Je vais devoir vous laisser, mais je vous recontacterai très vite. Faites attention à vous. »dit-il au miroir, d'un ton sincère.

Puis lentement, il rangea l’artéfact dans la poche intérieure de sa veste, contre son cœur. Il aurait voulu le garder toujours devant lui, lui parler en permanence, mais ce n'était pas possible. Il regarda les chevaux présents dans l'écurie. Il choisit le plus vif malgré sa méconnaissance de la montée. Il devait aller vite. Il attrapa des rennes et une selle, les mettant d'après ses vagues souvenirs, d'après les rares fois où il avait vu des voyageurs faire ces gestes. Puis, en souplesse, il grimpa sur le dos de l'étalon. Et démarra au quart de tour, en direction de la ville la plus proche.